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'Espace tu m’as vaincu'

César Dávila Andrade

Traducción al francés de Juan Salvador Velecela

Número revista:

8

Espace, tu m’as vaincu


Espace, tu m’as vaincu. Je souffre déjà de ta distance.

Ta proximité pèse sur mon cœur.

Tu m’ouvres le vague coffre des astres perdus

et j’y trouve le nom de tout ce que j’ai aimé.

Espace, tu m’as vaincu. Tes torrents obscurs

brillent lorsqu'ils sont ouverts par la profondeur,

et tandis que s’effeuillent tes couches illusoires

je découvre que tu es fait de futur sans fin.

J’aime ton infinie solitude simultanée,

ta présence invisible qui fuit sa propre limite,

ta mémoire en sphères de gazeuse constance,

ton vide comblé par l’absence de Dieu.


Je vais désormais vers toi, sans mon cadavre.

J’emporte mon origine de profonde altitude

sous laquelle, étranger, a souffert mon corps.

Je laisse au fond des belles journées

mes tempes et leurs roses de délire,

ma langue de scorpions submergés,

mes yeux faits pour voir le néant.


Je laisse la porte où vécut mon absence,

ma voix perdue dans un avril d’étoiles

et une feuille d’amour, sur ma table.


Espace, tu m’as vaincu. Je meurs dans ta vie éternelle.

Je tue en toi mon âme pour vivre en tous.

J’oublierai l’empressement dans ta fermeté véloce

et l’oubli dans ton abîme qui unifie les choses.


Adieu claires statues aux blancs yeux tristes.

Navires que le ciel, son haut azur infini,

retournait doucement comme sur des lys.

Adieu chanson ancienne au village de juin,

après-midis où tous, les yeux fermés,

voyageaient silencieux vers un pays d’encens.

Adieu Ludwig van Beethoven, poitrine déchiquetée

par les ancres de feu de la musique éternelle.

Jeunes filles, mes amies. Jeunes filles étrangères.

Douces enfants de France. Tendres femmes d’ambre.

Je vous laisse. La distance m’entrouvre ses cristaux.

Du fond de mon âme m’appelle une carriole

qui descend jusqu’à l’ombre de ma mémoire calme.

Là elle reposera avec ses étranges fruits

pour qu’un enfant aveugle puisse retrouver mes pas…


Espace, tu m’as vaincu. Je meurs dans ton immense vie.

En toi meurt mon chant, pour qu’en tous il chante.

Espace, tu m’as vaincu…





Espacio, me has vencido


Espacio, me has vencido. Ya sufro tu distancia.

Tu cercanía pesa sobre mi corazón.

Me abres el vago cofre de los astros perdidos

y hallo en ellos el nombre de todo lo que amé.

Espacio, me has vencido. Tus torrentes oscuros

brillan al ser abiertos por la profundidad,

y mientras se desfloran tus capas ilusorias

conozco que estás hecho de futuro sin fin.

Amo tu infinita soledad simultánea,

tu presencia invisible que huye su propio límite,

tu memoria en esferas de gaseosa constancia,

tu vacío colmado por lo ausencia de Dios.


Ahora voy hacia ti, sin mi cadáver.

Llevo mi origen de profunda altura

bajo el que, extraño, padeció mi cuerpo.

Dejo en el fondo de los bellos días

mis sienes con sus rosas de delirio,

mi lengua de escorpiones sumergidos,

mis ojos hechos para ver la nada.


Dejo la puerta en que vivió mi ausencia,

mi voz perdida en un abril de estrellas

y una hoja de amor, sobre mi mesa.


Espacio, me has vencido. Muero en tu eterna vida.

En ti mato mi alma para vivir en todos.

Olvidaré la prisa en tu veloz firmeza

y el olvido, en tu abismo que unifica las cosas.


Adiós claras estatuas de blancos ojos tristes.

Navíos en que el cielo, su alto azul infinito

volcaba dulcemente como sobre azucenas.

Adiós canción antigua en la aldea de junio,

tardes en las que todos, con los ojos cerrados

viajaban silenciosos hacia un país de incienso.

Adiós, Luis Van Beethoven, pecho despedazado

por las anclas de fuego de la música eterna.

Muchachas, las mi amigas. Muchachas extranjeras.

Dulces niñas de Francia. Tiernas mujeres de ámbar.

Os dejo. La distancia me entreabre sus cristales.

Desde el fondo de mi alma me llama una carreta

que baja hasta la sombra de mi memoria en calma.

Allí quedará ella con sus frutos extraños

paro que un niño ciego pueda encontrar mis pasos…


Espacio, me has vencido. Muero en tu inmensa vida.

En ti muere mi canto, para que en todos cante.

Espacio, me has vencido…





Chanson spirituelle pour l’arbre abattu


Ce ne fut pas le cyclone avec ses cloches déchirées.

Ce furent les hommes qui vivent sous ton ombre.

Ils apportèrent des haches fines à travers l’air.

Ils apportèrent sept haches à travers l’air.

Sept minces concubines de haine.

Ce fut un après-midi au large crépuscule rouge.

Les bûcherons avaient du sel vert et affûté sur les aisselles.

Les coups des haches couraient par la forêt

avec des pieds plats et creux.

Les branches devenaient bleues de son.

Jusqu’à ce que l’arbre tomba sur le doux côté

tel un haut dieu ancien,

avec un bruit pluriel d’abeilles vertes

et veines arrachées.


Avec un arôme de pain et de lys s’ouvrirent ses fondations.

Mais son âme resta : un fruit allongé et transparent,

sans eau, sans albumine, sans temps.

Son âme aux libres flammes corporelles, à la ceinture de foin

et chemise pâle d’avoine.


Avec un tremblement de chandeliers liquides

il entra dans l’immense nudité du ciel.

Se fit un grand silence de pommes vides,

et depuis les rives de toutes les forêts

partirent vers la musique des navires,

et des oiseaux invisibles comme des feuilles mortes.

Le vent prolongea, en passant, mon pouls,

et la matière ardente de mes tempes.

Le vent remplit l’eau de cyprès et de silence.

Le haut vent préleva de l’arbre la substance annelée de la musique,

le poids d’aquarelle des oiseaux, les balles de corail du bois.


Quel matériau pur celui de ses bourgeons.

Quelle cire sacrée celle qui entrouvrit ses fleurs

en un sexe ténu d’épingles inquiètes.

Nous ne reverrons plus des mains bleues

remonter à travers l’air de l’automne ?

Nous ne verrons plus son dimanche éclairé d’allumettes

par les enfants translucides de la journée ?

Nous ne verrons plus cette jeune fille aveugle

qui sur la pointe des pieds cherchait une alliance de résine ?


Permets que je mette sous ta nuque blanche

cet oreiller inquiet de poissons de mon désir.


Tu n’es pas mort. Tu n’es pas le fils de la haine ni de la mort.

Tu habites désormais l’étage le plus étroit des cieux.





Canción espiritual al árbol derribado


No fue el ciclón con sus campanas desgarradas.

Fueron los hombres que viven a tu sombra.

Trajeron hachas finas por el aire.

Trajeron siete hachas por el aire.

Siete delgadas concubinas de odio.

Fue una tarde de ancho ocaso rojo.

Tenían los leñadores sal verde y afilada en las axilas.

Los golpes de las hachas corrían por el bosque

con pies planos y huecos.

Se volvían las ramas azules de sonido.

Hasta que cayó el árbol sobre el dulce costado

cual alto dios antiguo,

con un ruido plural de abejas verdes

y venas arrancadas.


Con aroma de pan y de azucenas se abrieron sus cimientos.

Pero quedó su alma: una fruta alargada y transparente,

sin agua, sin albúmina, sin tiempo.

Su alma de libres llamas corporales, con cintura de heno

y pálida camisa de avena.


Con un temblor de candelabros líquidos

entró en la inmensa desnudez del cielo.

Se hizo un gran silencio de manzanas vacías,

y de la orilla de todos los bosques

partieron a la música navíos,

y una hojarasca de aves invisibles.

El viento prolongó, al pasar, mi pulso,

y la materia ardiente de mis sienes.

El viento llenó el agua de cipreses y silencio.

El alto viento levantó del árbol la sustancia anillada de la música,

el peso de acuarela de los pájaros, las balas de coral de la madera.


Qué material tan puro el de sus yemas.

Qué cera tan sagrada la que entreabrió sus flores

en tenue sexo de inquietos alfileres.


¿No volveremos a ver manos azules

subiendo por el aire del otoño?

¿No veremos ya más su domingo encendido de cerillas

por los niños traslúcidos del día?

¿No veremos ya más esa muchacha ciega

que en puntillas buscaba una sortija de resina?


Deja que ponga bajo tu nuca blanca

esta almohada inquieta de peces de mi anhelo.


No has muerto. No eres hijo de odio ni de muerte.

Vives ahora en el piso más delgado de los cielos.




Juan Salvador Velecela (Cuenca, 1995) prepara una tesis de doctorado en La Sorbona sobre la obra del poeta francés Léon-Paul Fargue. Es también profesor ocasional de literatura en la Universidad Versailles Saint-Quentin (Francia).

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