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L'amour

Martín Kohan

Traducción al francés de Jeanne Bollee y Elena Isern

Número revista:

6

Du revers de la main, il essuie une larme, et toute sa tristesse le quitte aussi vite que la goutte. Il ne lui en reste trace ni sur la joue ni dans l’âme. Le pas sur la plaine, d’abord résigné, gagne peu à peu en détermination. Il ne marche plus les pieds comme collés aux stries invisibles de la pampa, embourbés dans un reste de boue qui n’existe pas vraiment, parce qu’il ne pleut ni n’a plu ces temps-ci. Plus maintenant : voilà qu’ils pressent le pas, comme poussés par l’urgence, comme si cette fuite, qui en effet en est une, se faisait face à l’arrivée imminente d’une troupe de poursuivants, quand il est certain que personne ne vient dans leur dos, que personne ne les épie, que personne ne les pourchasse.


Au loin, on ne voit rien, mais on le sait: les Indiens sont là. Cette meute floue d’indociles est, lorsqu’elle approche, une menace, la pire des menaces, la plus terrible. Mais en ce moment, où elle n’approche pas, mais où elle attend, elle est un désir et un espoir. Un espoir pour Fierro, un espoir pour Cruz. Ces maigres campements où il n’y a presque rien qui ne soit rugueux et marron, ont désormais valeur de promesse  —  une promesse de liberté : tel est leur sentiment  —  pour ces deux-là, qui, jusqu’à peu, auraient été malfrat et autorité, le fugitif et la loi, deux mondes en guerre, deux formes de monde ; mais qui à présent se fondent en une même rancoeur et un même désir.


Ils marchent tous deux dans un silence complet : silence total. En partie parce que la réserve fait partie de leurs tempéraments respectifs ; il est rare qu’il y ait des bavards dans la pègre et il est rare aussi qu’il y en ait, à l’inverse, ou pour cela même, parmi les forces de l’ordre et des bonnes mœurs. C’est en partie pour ça qu’ils ne s’adressent pas la parole et en partie pour autre chose. Au cours d’un voyage, c’est le paysage qui incite à la conversation : ce qu’on voit, ce qui arrive, ce qui peut s’offrir à la vue de celui qui voyage. Que vont se dire ces deux-là dans la pampa argentine si plate et si vide, dans le désert ininterrompu où rien n’existe et rien ne se passe ?


Ce sont là les raisons les plus évidentes du silence et de la compréhension mutuelle dont ils font preuve en marchant. Mais dans le fond, et ils le savent, la cause est autre et autre est l’explication. Quelque chose s’est passé et les a laissés rêveurs. C’est à peine s’ils peuvent, pour le moment, ruminer en eux-mêmes, dans le secret de leur monde intérieur, les contours schématiques de leurs méditations les plus profondes. Ils auraient pour l’instant bien du mal à prononcer le moindre mot, et de fait ils ne le font pas.


Les campements se présentent soudain à leurs yeux, sans prélude, sans prévenir. C’est une qualité très propre à l’indien, l’apparition par surprise. Dans ces conditions, il semble inoffensif et même sympathique qu’il en soit ainsi ; dans les embuscades, cependant, c’est ce qui assure à l’assaillant la férocité et la terreur. Les lambeaux mal joints par du cuir et des poutres de bois se détachent si peu du sol de la pampa, et leur couleur et leur texture sont si semblables à l’environnement rural où ils se trouvent, qu’il est presque impossible de les discerner de loin.


A leur arrivée, ils sont bien accueillis. La réception est à ce point cordiale, même dans la modestie obligée des indigents, que l’on dirait un retour et non une arrivée. Curieusement, seules les captives se méfient. Ces femmes, qui, précisément, étaient les seules à rendre possible l’apparition d’une chevelure blonde ou d’un regard clair au milieu du règne du marron et du marron. Ce sont elles les farouches. Pourquoi serait-ce le cas ? Parce qu’elles ne parviennent pas à voir deux égaux en Fierro et Cruz, même s’ils viennent du monde civilisé. Ou alors, c’est tout le contraire : elles les perçoivent ainsi, comme leurs semblables, deux visiteurs de leur propre espèce, et c’est cela même justement qui provoque chez elles cette rare mortification que l’on peut seulement appeler pudeur (pudeur qu’ils les voient ainsi, hirsutes et crasseuses, ou pire que ça, si acclimatées, si intégrées, si faites à cette vie au milieu des Indiens et avec des Indiens).


Ils ignorent leurs raisons, et en définitive elles importent peu. Elles importent peu à Fierro, elles importent peu à Cruz. Les captives pointent le bout de leur nez, les dévisagent, renonçent, se cachent ; eux, ça ne les intéresse pas, et en définitive ils ne leur prêtent pas trop attention. Leur priorité est autre : se créer une place dans cette nouvelle vie, commencer à respirer cet air qui, bien que nauséabond dans plus d’une zone de ce camp précaire, est libre pour Fierro de l’oppression et de l’injustice qui ont marqué sans pitié ses dernières années de vie.


On leur donne une toute petite tente, quelque peu éloignée du foyer central. Mais que peut leur faire cette légère marginalisation, quand il est certain que visiblement on les reçoit et on les accepte. Avec la minutie du nouveau venu, ils commencent à s’installer dans leur abri flambant neuf. Ils débarrassent le sol des échardes et des cailloux qu’on ne remarque pas en ce moment, mais qui, à la nuit tombée, au fil des heures, leur blesseraient le dos. Ici ils étendent un poncho, là préparent un foyer. Ils font une boule d’une couverture pour qu’elle serve d’oreiller. Ils se font maîtres des lieux.


— Je préfère dormir, Tadeo, plus près de la porte, pour riposter rapidement si je me trouve en danger.


Cruz écoute avec attention les paroles de Fierro, et s’attriste. Cela le peine de voir à quel point le pauvre n’arrive pas encore à se défaire des réflexes du fuyard. Il ne lui répond rien, cela lui semble préférable. A la place il lui montre, à travers les larges fentes des cuirs qui les abritent, que la lumière du crépuscule diminue. C’est le début de la nuit.


Martin Fierro, pendant ce temps, est en train d’enlever ses bottes. Il a les pieds blessés par les longues marches. Rougis, comme avec fureur, les orteils en ont enflé et sur la plante ressortent les globes jaunâtres de quelques ampoules gonflées. Cruz les regarde et fronce les sourcils. Fierro souffle sur ses plantes de pieds, cherchant à se soulager. Il faudra peut-être les faire tremper plus tard.


Les deux hommes n’échangent aucune parole. Ils sont à nouveau pris chacun dans leurs pensées. Ces pensées cependant, et il se peut qu’ils le sachent, sont les mêmes exactement, ou à défaut très semblables. Ils pensent, évoquent, soupèsent, tranchent : les deux sur la même chose. Sur le baiser qu’ils ont échangé il y a quelques heures dans la pampa. Un baiser d’hommes, d’après ce qui a été établi. Ils ont échangé un baiser d’hommes. Et quelle autre sorte de baiser auraient-ils bien pu échanger, puisqu'ils sont des hommes ? Ils se sont embrassés sur la bouche, entremêlant leurs barbes, aidant à l’ouverture des lèvres avec une main appuyée sur la nuque de l’autre, une main qui, muette, disait : viens par ici. Ils se sont embrassés, oui, sur la plaine. Sur la plaine et sur la bouche. Baiser d’hommes : il a été consigné tel quel. Le vol d’un kamichi en fut témoin..


Désormais les deux se détendent, ils se préparent pour le repos. Le croassement des grenouilles leur apprend qu’il y a de l’eau à proximité, et aussi que se sont éteints les derniers éclats du soleil dans le ciel. Cruz se penche sur la cuvette qui héberge une flamme et allume, le regard fixe, cette fibre enroulée dans du papier qu’il va fumer pendant qu’il médite. L’odeur obscure de la fumée se mêle à l’acidité que diffusent dans l’air les pieds nus de Fierro. Fierro se tait, Cruz se tait. On voit ses yeux grand ouverts à la pauvre lueur du petit feu.


Soudain le visage d’une vieille indienne fait irruption dans la tente. Elle pointe la tête par l’ouverture du devant, ses seins pendent tellement que le sol semble les appeler. Ce qu’elle dit est incompréhensible, mais la moue qu’elle leur fait ne l’est pas. Ensuite elle s’en va, peut-être en toussant, sans attendre la réponse. Cruz se redresse avec des gestes lents, comme s’il avait réussi à s’endormir et qu’il se réveillait maintenant. Fierro s’apprête à mettre ses bottes et découvre en un instant, avec émotion pourrait-on dire, qu’il n’est plus nécessaire de le faire, qu’il n’a plus de raison.


Les indiens sont en train de manger autour des braises, ce à quoi était dû l’appel de la vieille. Fierro s’approche, avec une expression de gratitude, et quelques pas derrière, Cruz l’accompagne. Ils s’accroupissent en même temps et on leur tend des plats d’argile avec quelque chose d’épais versé dedans. On ne sait pas très bien ce que c’est, mais ils ne gagneraient rien à le vérifier. C’est trouble et couvert de taches, la mixture dans la bouche ne brûle pas mais tarde un peu à se diluer pour être avalée.


Très près d’eux, une captive semble intriguée, alors qu’elle porte à sa bouche la même pâte que les autres. Des crins délavés lui tombent sur les épaules mais dans la couleur de ses yeux persiste, une espèce de charme qui ne veut pas s’éteindre totalement. Elle regarde avec une certaine insistance vers l’endroit où se trouvent aussi bien Fierro que Cruz ; mais celui qu’elle regarde ce n’est pas Cruz, c’est seulement Fierro. Elle le regarde, cependant, avec une expression que Cruz, attentif à ce qui l’entoure, reconnaît parfaitement bien. Il la reconnaît bien, et en plus, il l’identifie, car il sait qu’il a lui aussi regardé ainsi et que celui qu’il regardait ainsi n’était autre que Fierro. L’acier de ses bras, ses mains invincibles, son dos aventureux, sa bouche d’homme. Il l’a regardé ainsi lui aussi, à peine l’avait-t-il remarqué, quand il était encore un sergent et commandait encore un escadron de police. Il n’a pas supporté de ne pas être du côté de cet homme, aux côtés de cet homme ; il n’a pas toléré que, alors qu’il pouvait le rejoindre, il doit le regarder d’en face. Il prononça alors une excuse sonore que les autres n’écoutèrent même pas. Il est passé, en deux enjambées sûres, d’un côté du monde à l’autre.

En ce moment, le goût amer de la souffrance lui monte à la bouche. Il broie entre ses dents ce gruau qui ne lui offre pas de résistance, mais fait durer la mastication quand il réalise qu’il ne va pas pouvoir l’avaler. Un ressentiment inconnu lui prend la gorge. La femme ne cesse de faire du charme et le plat lui tombe des mains. La nourriture se renverse, révélant son évidente ressemblance avec la terre. On voit les genoux de la fourbe captive, le début de ses cuisses, on le lui voit. Les mains de Cruz tremblent.


Il rassemble comme il peut la nourriture dans l’assiette, qu’on n’aille pas penser qu’il y a du mépris ou de la négligence de sa part. Mais il ne peut plus continuer à manger. Il fait passer ce qu’il a encore dans la bouche avec une gorgée d’eau-de-vie, fait un geste vague que lui-même ne comprend pas, s’arrête, se lève, s’en va. Il se met entre les torchons qui désormais lui servent de logis et s’allonge seul, à ressasser la rage qui est en train de lui rayer les dents. Il serre les poings non moins que les dents. Il voudrait pouvoir dormir complètement et à l’instant même, mais soudainement il voudrait aussi rester éveillé pour toujours et ne jamais retrouver le sommeil.


Il est encore dans cet état, presque en pleurs, lorsque, tout à coup Fierro apparaît. Cruz semble deviner qu’il s’est dépêché de venir, qu’il s’est dépêché de revenir. Il le sent arriver, se pencher pour entrer, il le sent fouler le sol compact et incliner son corps de gaucho vers le repos. La sérénité la plus infinie l’envahit comme par miracle. Martin Fierro est de retour, il s’est couché auprès de lui. Sur le dos, comme lui, il a la respiration tremblante de celui qui a tant marché.


— Rien de mieux que dormir avec le ventre bien rempli. Quand la faim me quitte, alors je peux réfléchir.


Cruz se demande s’il devrait prendre ces mots comme un adieu avant le sommeil, mais il remarque que Fierro ne dort pas encore. Il aime savoir que se prolonge ce prélude partagé de ce qui sera une nuit ensemble. Ils vont dormir, mais ne dorment pas. Une main de Cruz, une main de Cruz plutôt que Cruz, se déplace comme par réflexe dans la direction où se trouve Fierro. Et sur ce court trajet elle rencontre, non pas Fierro mais la main de Fierro, une main de Fierro. Une main qui pour quelque raison a la paume tournée vers le haut, comme si par exemple elle était en train de demander quelque chose, ou plutôt d’attendre quelque chose. Par exemple, ce qui arrive : la main de Cruz.


Les doigts s’entrelacent avec une pression forte au début mais très vite se relâchent pour commencer à se caresser. Au milieu de tant de rugosité ils se découvrent des douceurs. Entre les cals cicatrisés du travail et des mauvais traitements, il y a des recoins presque secrets où s’abandonner dans la tendresse. Ainsi, les mains de Fierro et de Cruz se comprennent dans la nuit. Jusqu’à ce que la main de Fierro se décide, comme si elle avait pu avoir de la patience et par conséquent la perdre, à s’emparer de la main de Cruz et à se faire son tuteur et son guide.


Cruz soupçonne ce qui se passe, et pour cette raison il se laisse emmener. Fierro entraîne sa main jusqu’à la faire reposer exactement là où il le voulait (juste là où le voulait qui : où le voulait Fierro, où le voulait Cruz). Une émotion inconnue et étrange, une sorte d’ébriété jamais atteinte auparavant, s’empare de Cruz lorsqu’il saisit entre ses doigts le grand machin de Fierro. Fierro entre ses mains : ce qu’il a tant souhaité. Elle est enfin sienne cette partie qu’il a avidement imaginée, le sabre encore à la main et en pleine opération policière. Il la conserve entre ses doigts avec ferveur, et soudain, la curiosité le pique de savoir si ce qui ne loge pas entièrement dans sa main tiendrait dans sa bouche. C’est que le grand machin de Fierro se montre déjà très éveillé, et désormais, Cruz s’entretient directement avec lui. Il pianote, goûte, savoure. Se noie-t-il ? Ou non ? Bientôt sa luette, là dans le fond du gosier, fera-t-elle partie de ce même objet?


La nuit se peuple des soupirs de Fierro. La tête de Cruz monte et descend, mais avec lenteur, comme si quelqu’un était en train de lui expliquer quelque chose et que lui acquiesçait continûment pour lui montrer qu’il comprend. Ce qui a crû croît plus encore, et Cruz n’y croit déjà plus. Sa propre entrejambe s’enflamme et demande libre passage, une légère brise agite largement les cuirs, mais la chaleur qu’on ressent est telle qu’eux deux ne s’en rendent même pas compte.


— Retourne-toi, Tadeo, parce que je vais m’installer, avec une telle envie d’entrer que je n’y tiens plus.


Ces quelques mots suffisent pour dire le désir de Fierro, mais en étant prononcés ils ont également dit, dans une plaisante coïncidence, précisément le désir de Cruz : cela même qu’il attendait. Il se tourne d’un seul mouvement pour se trouver sur le ventre. Ses mains de gaucho ont tâtonné pour dégager le chemin à Fierro : il n’existe plus pour lui d’obstacles de pantalon ou de sous-vêtements. C’est un pur et beau festin, un délice. On entend distinctement que Fierro crache mais que crache-t-il exactement ? Ses doigts lubrifiés, le gros membre, le cul rebondi de Cruz ? Quoi que ce soit et peut-être tout à la fois ; ça revient au même, à dire vrai. Ce qui compte c’est que déjà il s’effondre sur l’inquiétude de son compagnon, qu’il attaque sans répit, juste combat, déchire et perce, pénètre enfin.


Est-ce seulement l’idée de Cruz, ou les grenouilles se sont tues ? La seule chose qu’on entend désormais dans la nuit au milieu des indiens, c’est leurs deux respirations. On dirait, à entendre leur bruit appuyé, que l’air ne veut tout d’abord pas entrer, puis ne veut pas sortir, qu’il faut tout faire avec effort et en suffoquant. Martin Fierro se secoue sur Cruz, secoue Cruz, pressentant qu’il n’a jamais été dans sa vie aussi proche et autant à l’intérieur de personne. Un éclatement indolore de vestes et de bottes se produit autour d’eux car les hommes s’agitent sans plus de contrôle.


Les deux en même temps et tout près l’un de l’autre, comme fait d’un même bois. Fierro se répand en Cruz, et Cruz sur le sol de la pampa. Les fluides presque bouillants vont où ça leur chante : au plus profond du cul ou à la poussière qui est le destin de l’homme. Après s’être tant cabrés, c’est un relâchement général qui se produit dans la tente sombre. Fierro, avec toute sa tendresse, encore sur Cruz, laisse sa respiration s’apaiser auprès des cheveux et de l’oreille et de la bouche de l’autre.  D’un doigt, il joue avec les boucles durcies de sa nuque. Il lui dit des choses.


— Tadeo, beau Tadeo : quelle belle façon de t’aimer. Le plaisir de t’avoir, c’est le seul dieu auquel je crois.


Ils s’allongent doux l’un auprès de l’autre. Ils se passent de main en main le cigare que Cruz a allumé. Ils regardent les fumées que chacun d’eux souffle se mélanger dans l’air et ne faire qu’un. Ils sourient, satisfaits : ils sont heureux et ils le savent. Ils ont découvert l’amour.





El amor


Con el borde de la mano se despeja el lagrimón, y toda la tristeza se le va tan pronto como esa mojadura. No le queda ni rastro en la mejilla o en el alma. El paso por la llanura, resignado en un principio, va ganando poco a poco en decisión. Ya no va con los pies como pegados a las estrías invisibles de la pampa, empastados por un resto de barro que en verdad no existe, porque no hay ni hubo lluvia en este tiempo. Ya no: ahora se afirman poco menos que en un apuro, como si esta huida, que en efecto lo es, se hiciera bajo la acuciante inminencia de una partida de perseguidores, cuando lo cierto es que nadie viene a sus espaldas, nadie acecha, nadie acosa.


A lo lejos, nada se ve, pero se sabe: están los indios. Esa borrosa manada de indóciles son, cuando vienen, una amenaza, la peor de las amenazas, la más terrible. Pero ahora, que no vienen, sino que aguardan, son un anhelo y una esperanza. Una esperanza para Fierro, una esperanza para Cruz. Esas magras tolderías donde casi no hay cosa alguna que no sea lijosa y marrón, vale ahora por una promesa –una promesa de libertad: así la sienten– para estos dos que hasta hace poco fueran malhechor y autoridad, el forajido y la ley, dos mundos en guerra, dos formas de mundo; pero que ahora se emparejan en un mismo rencor y en un mismo anhelo.


Van los dos en completo silencio: silencio total. En parte porque la parquedad forma parte de la naturaleza de sus respectivos temperamentos; es raro que haya locuaces en el fuera de la ley y es raro también que los haya, por el contrario, o por eso mismo, entre los agentes del orden y las buenas costumbres. En parte es por eso que no se hablan para nada, y en parte por otra cosa. En un viaje es el paisaje lo que motiva la conversación: lo que se ve, lo que sucede, lo que pueda ofrecerse a la vista del que viaja. ¿Qué van a decirse estos dos en la pampa argentina tan lisa y tan hueca, en el desierto constante donde nada existe y nada pasa?


Son esas las razones más notorias del silencio y la compenetración que exhiben mientras andan. Pero en el fondo, y ellos lo saben, es otra la causa y es otra la explicación. Hay algo que ha pasado y que los dejó pensativos. Apenas si pueden, por el momento, rumiar para sí mismos, en el secreto del mundo interior, los trazos esquemáticos de sus cavilaciones. Mal podrían por ahora pronunciar palabra alguna, y de hecho no lo hacen.


Las tolderías se presentan a sus ojos de repente, sin prólogos, sin anunciarse. Es cualidad muy propia del indio ese aparecer por sorpresa. En estas condiciones resulta inofensivo y hasta simpático que así sea; en los malones, sin embargo, es lo que asegura al atacante la fiereza y el terror. Los colgajos mal zurcidos de cueros y parantes se despegan tan poco del suelo de la pampa, y es tan semejante su color y su textura al entorno rural donde existen, que es poco menos que imposible divisarlos a la distancia.


Al llegar, son bienvenidos. Parece un regreso, y no una llegada: hasta tal punto es cordial la recepción, aun en la modestia obligada de los menesterosos. Curiosamente, tan sólo las cautivas recelan. Justo esas mujeres, las únicas que habilitaban la chance de un pelo rubio o una mirada clara en medio del imperio del marrón y del marrón. Son ellas las esquivas. ¿Por qué será? Será porque no terminan de ver a dos iguales en Fierro y en Cruz, por más que vengan del lado civilizado. O será justo al revés: que los sienten así, sus semejantes, dos visitantes de su misma especie, y es eso mismo justamente lo que les provoca esta rara mortificación a la que sólo puede llamarse pudor (pudor de que las vean así, desgreñadas y percudidas, o peor que eso, tan adaptadas, tan integradas, tan hechas a esta vida entre indios y con indios).


No saben los motivos, y en definitiva no importan. No le importan a Fierro, no le importan a Cruz. Las cautivas se asoman, pispean, reculan, se esconden; a ellos no les interesa, y en definitiva no les prestan demasiada atención. Es otra su prioridad: hacerse un lugar en esta nueva vida, empezar a respirar este aire que, aunque hediondo en más de un sector del precario asentamiento, libre está para Fierro de la opresión y la injusticia que signaron sin clemencia sus últimos años de vida.


Les dan una carpita chica, algo apartada de las fogatas del medio. Pero qué puede afectarles esta leve marginación, cuando lo cierto es que visiblemente los reciben y los aceptan. Con esmero de recienvenido, empiezan a acomodarse en su flamante sitio. Despejan el suelo de astillas y piedritas que, aunque ahora no se noten, a la noche, con las horas, lastimarían la espalda. Estiran un poncho aquí, acomodan lumbre allá. Hacen bulto en una manta, para que sirva de almohada. Se hacen dueños del lugar.


–Prefiero dormir, Tadeo, más cerquita de la puerta, para dar pronta respuesta si en un peligro me veo.


Cruz escucha con atención estas palabras de Fierro, y se acongoja. Le da pena ver hasta qué punto el pobre no logra desprenderse todavía de los reflejos del perseguido. No le contesta nada, le parece preferible. A cambio le hace ver que, por las rendijas generosas de los cueros que los cobijan, la luz del atardecer va menguando. Es el comienzo de la noche.

Martín Fierro, mientras tanto, se va sacando las botas. Los pies los tiene llagados por las largas caminatas. Enrojecidos, como con furia, se le hincharon en la parte de los dedos y en las plantas exhiben los globos amarillentos de unas ampollas turgentes. Cruz los mira y frunce el ceño. Fierro se sopla los empeines, buscando darse alivio. Quizá convenga remojarlos más tarde.


No cruzan palabra alguna los dos hombres entre sí. Están metidos otra vez cada uno en sus pensamientos. No obstante esos pensamientos, y puede que ellos lo sepan, son los mismos exactamente, o en su defecto muy semejantes. Piensan, evocan, sopesan, dirimen: los dos sobre lo mismo. Sobre el beso que se dieron hace horas en la pampa. Un beso de hombres, según quedó aclarado. Se dieron un beso de hombres. ¿Y de qué otra clase se iban a dar, si al fin de cuentas hombres son? Se besaron en la boca, entreverando las barbas, ayudando a la apretura de los labios con una mano apoyada en la nuca del otro, una mano que muda decía: vení para acá. Se besaron, sí, en la llanura. En la llanura y en la boca. Beso de hombres: así tal cual se consignó. El vuelo de un chajá fue testigo de ese hecho.


Ahora se aflojan los dos, se acomodan para el descanso. El rezongo de las ranas les hace saber que hay agua cerca, y también que se han apagado los últimos destellos de sol en el cielo. Cruz se inclina sobre el cuenco que alberga una llama y enciende con la vista fija esa viruta entubada en papel que va a fumarse mientras cavila. El olor oscuro del humo se mezcla con la acidez que despiden en el aire los pies desnudos de Fierro. Fierro se calla, se calla Cruz. Los ojos se ven muy abiertos a la pobre luz del fueguito.


De pronto irrumpe en la carpa la cara de una india vieja. Asoma la cabeza por la abertura del frente, las tetas le cuelgan tanto que el suelo parece llamarlas. Lo que dice no se entiende, pero el gesto que les hace sí. Después se va, posiblemente tosiendo, sin esperar la respuesta. Cruz se incorpora con ademanes lentos, como si hubiese alcanzado a dormirse y ahora se despertara. Fierro amaga con ponerse las botas y descubre en un instante, con emoción podría decirse, que ya no hay necesidad de hacerlo, que ya no tiene por qué.


Los indios están comiendo alrededor de las brasas, a esto se debía el llamado de la vieja. Fierro se arrima, con expresión agradecida, y unos pasos más atrás lo viene acompañando Cruz. Se acuclillan a la par y les arriman unos platos de barro con algo espeso volcado encima. No se sabe muy bien qué es, pero nada ganarían con averiguarlo. Es turbio y lo cruzan manchas, el menjunje en la boca no quema pero tarda un poco en diluirse para ser tragado.


Muy cerca de ellos, una cautiva parece interesarse, mientras se lleva a la boca la misma pasta que los demás. Le caen sobre los hombros unas crenchas deslucidas, pero en el color de sus ojos persiste una especie de atractivo que no quiere extinguirse del todo. Mira con alguna insistencia al lugar donde se encuentran tanto Fierro como Cruz; pero a quien mira no es a Cruz, es solamente a Fierro. Lo mira, sin embargo, con una expresión que Cruz, atento a la circunstancia, distingue perfectamente bien. La distingue bien, y además la reconoce, porque sabe que él miró también así, y al que miró también así no era otro sino Fierro. El acero de los brazos, las manos invencibles, la espalda venturosa, la boca de varón. Lo miró también así, apenas lo distinguió, cuando él era todavía un sargento y comandaba todavía una partida policial. No toleró no estar del lado de ese hombre, al lado de ese hombre; no consintió que pudiendo juntarse con él debiese plantársele enfrente. Profirió entonces una excusa sonora que los demás ni siquiera escucharon. Se pasó con dos trancos seguros de un lado del mundo hacia el otro.


Ahora le sube a la boca el gusto amargo del sufrimiento. Muele entre los dientes ese guiso que no le ofrece resistencia, pero estira el maceramiento cuando advierte que no lo va a poder tragar. Un rencor desconocido lo sofoca en la garganta. La mujer no para de insinuarse y a él se le cae el plato de las manos. La comida se derrama, revelando su evidente parecido con la tierra. Se le ven las rodillas a la cautiva astuta, el comienzo de los muslos se le ve. A Cruz le tiemblan las manos.


Junta como puede la comida sobre el plato, no vaya a ocurrir que se piense que hay desprecio o negligencia de su parte. Pero seguir comiendo ya no puede. Empuja lo que tiene todavía en la boca con un trago de aguardiente, hace un gesto difuso que ni él mismo entiende del todo, se para, se incorpora, se va. Se mete entre los trapos que ahora le sirven de casa y se acuesta solo a morder la rabia que le está raspando las muelas. Aprieta los puños no menos que los dientes. Quisiera poder dormirse del todo y ya mismo, pero de pronto quisiera también quedarse despierto siempre y no volver a dormirse jamás.


En eso está, casi lloroso, cuando sin más aparece Fierro. A Cruz le parece adivinar que se apuró a venir, que se apuró a volver. Lo siente llegar, agacharse para entrar, lo siente pisar el suelo compacto y volcar su cuerpo gaucho en dirección al descanso. El sosiego más infinito lo invade como por milagro. Martín Fierro está de vuelta, se ha acostado junto a él. Boca arriba, lo mismo que él, con la respiración vidriosa del que tanto ha trajinado.


–Nada mejor que dormir con la panza bien llenita. Cuando el hambre se me quita, es que puedo discernir.


Cruz se pregunta si tendrá que tomar estas palabras como una despedida hacia el sueño, pero nota que Fierro no se duerme todavía. Le gusta comprobar que se prolonga este preludio compartido de lo que será una noche juntos. Van a dormir, pero no duermen. Una mano de Cruz, una mano de Cruz más que Cruz, se mueve como por reflejo hacia el lado donde está Fierro. Y en ese breve trayecto se encuentra, no ya con Fierro, sino con la mano de Fierro, con una mano de Fierro. Una mano que por algún motivo está con la palma vuelta hacia arriba, como si estuviese por caso pidiendo algo, o más bien esperando algo. Por ejemplo, esto que llega: la mano de Cruz.


Los dedos se entrelazan con una fuerte presión al principio, pero muy pronto se aflojan para empezar a acariciarse. En medio de tanta aspereza se descubren suavidades. Entre los callos costrosos del trabajo y el trato severo, hay atajos casi secretos por donde deslizarse en lo blando. Así se entienden en la noche las manos de Fierro y de Cruz. Hasta que la mano de Fierro se resuelve, como si pudiese tener paciencia y por lo tanto perderla, a adueñarse de la mano de Cruz y a convertirse en su tutora y su guía.


Cruz intuye lo que pasa, y por eso se deja llevar. Fierro le arrastra la mano hasta hacerla reposar justo ahí donde quería (justo ahí donde quería quién: donde quería Fierro, donde quería Cruz). Una emoción desconocida y rara, una especie de ebriedad nunca antes alcanzada, se adueña de Cruz cuando aferra entre sus dedos el socotroco de Fierro. Fierro en sus manos: eso que tanto quiso. Es suya por fin esa parte que ávido conjeturó, sable en mano todavía y en plena redada policial. La atesora con fervor entre los dedos, y le pica de pronto la curiosidad de saber si en su boca cabrá eso que en la mano del todo no cabe. Porque el socotroco de Fierro asomó ya muy despierto, y Cruz ahora se entiende directamente con él. Soba, prueba, saborea. ¿Se ahoga? ¿No se ahoga? ¿De pronto será su campanilla, ahí en el fondo del gañote, parte de este mismo asunto?


La noche se puebla de resoplidos de Fierro. La cabeza de Cruz sube y baja, pero con lentitud, como si alguno le estuviese explicando alguna cosa y él asintiera de continuo para hacerle ver que comprende. Lo crecido crece todavía más, y Cruz ya no da crédito. Su propio entresijo se enciende y pide libre paso, una leve brisa mueve no poco los cueros, pero es tanto el calor que se siente que ellos dos ni se dan cuenta.


–Vos date vuelta, Tadeo, que me voy a acomodar, con tantas ganas de entrar que la hora ya no veo.


Bastan esas pocas palabras para decir el deseo de Fierro, pero al sonar han dicho también, en gozosa coincidencia, justo el deseo de Cruz: lo mismo que él estaba esperando. Gira de una sola vez para estar ya boca abajo. Sus manos gauchas han atinado a despejarle el camino a Fierro: no existe para él más obstrucción de calzones o bombachas. Es un convite neto y lindo, una delicia. Se oye claro que Fierro escupe, pero ¿qué es lo que escupe exactamente? ¿Sus dedos lubricantes, el socotroco, el culo redondo de Cruz? Lo que sea, y acaso todo a la vez; da lo mismo, a decir verdad. Lo que cuenta es que ya se desploma sobre la ansiedad del compañero, que acomete sin resuello, embate recto, rompe y raja, entra por fin.


¿Es pura idea de Cruz, o las ranas se han callado? Lo único que ahora se escucha en la noche entre los indios son sus dos respiraciones. Se diría por su sonido marcado que el aire primero no quiere entrar y después no quiere salir, que todo hay que hacerlo con esfuerzo y con ahogo. Martín Fierro se sacude sobre Cruz, sacude a Cruz, presiente que nunca estuvo en su vida tan cerca y tan dentro de nadie. Un desparramo indoloro de chambergos y botas en torno se produce porque los hombres se agitan ya sin control.


Los dos al tiempo y juntitos, como hechos de un mismo palo. Fierro se derrama en Cruz, y Cruz en la llanura pampeana. Las simientes casi en hervor van adonde mejor les toca: a lo más hondo del culo o al polvo que es destino del hombre. Después de tanto curvarse, es un aflojamiento general lo que sucede en la carpa prieta. Fierro con toda ternura, encima de Cruz todavía, deja que la respiración se sosiegue junto al pelo y la oreja y la boca del otro. Le juega con un dedo en los rulos endurecidos de la nuca. Le dice cosas.


–Tadeo, lindo Tadeo: qué manera de quererte. Es el goce de tenerte el solo dios en que creo.


Se echan mansos el uno junto al otro. Se pasan de mano en mano el cigarro que Cruz ha encendido. Ven los humos que cada uno sopla mezclarse en el aire y hacerse uno. Sonríen satisfechos: son felices y lo saben. Han descubierto el amor.


*Versión original tomada del libro 'Cuerpo a tierra' (2015), cortesía de la Editorial Eterna Cadencia.

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