'On dit : qu’il cache une partie de sa vie…'
Léon-Paul Fargue
Traducción de Juan Salvador
Número revista:
7
Unos dicen: Que esconde una parte de su vida. Otros se preguntan por él, no sin estremecerse por la extraña ternura que llena el nombre que pronuncian.. Pasa una bocanada de música, un olor.. Se separan. Sus miradas se apagan. Al otro lado de las casas y de los libros. Al otro lado de las páginas del aire..
Un hombre se ausenta a ratos: un espectro lo ha agarrado con un gesto invisible. Ahora lo lleva hasta el lugar donde el cielo se pondrá más oscuro, dentro de un rato.. Le gusta bajar a la ciudad cuando el cielo se cierra al horizonte como una vasta falena. Se hunde en el corazón de la ciudad como un obrero en su fosa. El cielo —parecería que retrocediera ante las ventanas y las vitrinas que se encienden—.. Parece que todas las miradas de la noche se llenan de lágrimas.. Como en un ópalo, la lámpara y el día luchan con delicadeza..
Unos consejos se escriben por sí mismos y que se estiran en letras de lava en las fachadas.. Danzantes de cuerda pasan por encima del abismo.. Una gran rueca de oro se devana el corazón en los colmillos de un arbusto lleno de flores. Un acróbata trepa y se desploma en cascada.. Piratas hacen señales a navíos extraños. Las casas avanzan como proas de galera cuyas troneras se iluminan.. El hombre se escabulle entre sus flancos pesados como los restos de un navío en un puerto…
Entonces su pensamiento se abre con fuerza: una ensenada fría y azul que vuelve a entrar en calor. Todo el inmenso ruido discorde que se acuerda. La marea que sube. El mármol de una primera ola que se rompe: Ella bosteza y se estira como una fiera. Rueda hasta crecer alto y lejos como las altas olas sobre una amplia línea costera…
Allí todo tiene la dimensión de cuerpos monstruosos anteriores al diluvio.. Ella tiene gargantas de cuevas basálticas. Tiene reclinatorios sin Cristo ni luz donde las olas de los sueños se arrodillan.. La tibieza de un volcán mal apagado se prolonga.. Y unas vidrieras altas crispan las garras contra su cielo, de un azul de mirada interior, ahumado como un cielo de cisterna.
¡Él camina! Se le niegan los derechos más mínimos porque Él no tiene fortaleza.. Su alma no puede quedarse en casa. – Debe caminar por delante de los otros para repetir las muecas y los intercambios. – Persigue pensamientos tumultuosos. Ellos pelean delante de él como grandes perros negros. ¡Y se sorprende a sí mismo corriendo cuando los unos saltan más alto que los otros!
En la embriaguez del caminar urde brillantes coyunturas. —Habla con sombras que le hablan—. —Los espejos reflejan sus franquezas fáciles—. —Frunce el ceño, recoge algunos gestos cerca del cuerpo, se aprieta la mano del otro y echa una mirada maestra : Como otros hombres a los que encuentra, que tienen las caras amarillentas de la costumbre—.. Él sabe demasiado bien que eso es todo lo que ocultan aquellas muecas que llaman vivir, y que tiene que fingir lo que desdeña. Si no consiente morir.. Y tapona a fuerza de mentiras las grietas que encuentra y que franquea..
Hace mucho tiempo que no ha llorado, yo creo.. hasta que una mano de sombra lo agarre por la garganta y lo detenga al borde de su vida abierta [de par en par]…
« On dit : qu’il cache une partie de sa vie… »
On dit : qu’il cache une partie de sa vie. D’autres se demandent de ses nouvelles, non sans frémir de la tendresse bizarre qui remplit le nom qu’ils prononcent.. Une bouffée de musique, une odeur passent.. Ils se séparent. Leurs regards s’éteignent. De l’autre côté des maisons et des livres, de l’autre côté des pages de l’air..
Un homme par instants s’absente : Un spectre l’a pris d’un geste invisible. Il le conduit maintenant du côté où le ciel sera le plus sombre, tout à l’heure.. Il aime à descendre dans la ville, à l’heure où le ciel se ferme à l’horizon comme une vaste phalène. Il s’enfonce au coeur de la rue comme un ouvrier dans sa tranchée. Le ciel – on croirait qu’il recule devant les fenêtres et les vitrines qui s’allument.. Il semble que tous les regards du soir s’emplissent de larmes.. Comme dans une opale la lampe et le jour luttent avec douceur..
Des conseils s’écrivent tout seuls et s’étirent en lettres de lave au front des façades.. Des danseurs de corde enjambent l’abîme.. Un grand rouet d’or dévide son cœur aux crocs d’un buisson plein de fleurs. Un acrobate grimpe et s’écroule en cascade.. Des naufrageurs font signe à d’étranges navires.. Les maisons s’avancent comme des proues de galères où tous les sabords s’éclairent.. L’homme file entre leurs flancs lourds comme une épave dans un port…
Alors, sa pensée s’ouvre avec force : Une crique froide et bleue qui se réchauffe. Tout l’immense bruit discord qui s’accorde. La marée qui monte. Le marbre d’une première lame qui se brise : Elle bâille et s’étire comme un grand fauve. Elle roule se creuser haut et loin comme les hautes vagues sur un vaste front..
Tout y a la grandeur des corps monstrueux d’avant le déluge.. Elle a des gosiers de grottes basaltiques. Elle a des prie-Dieu sans Christ ni lumière où les vagues des songes s’agenouillent.. La tiédeur d’un volcan mal éteint s’y traîne.. Et de hautes verrières crispent leurs serres sur son ciel, d’un bleu de regard intérieur, fumé comme un ciel de citerne..
Il marche ! On lui dénie les droits les plus humbles parce qu’Il n’a pas de citadelle.. Son âme ne peut pas garder la chambre. – Il faut qu’il marche au-devant des autres pour faire les grimaces et les échanges. – Il suit des pensées tumultueuses. Elles se battent devant lui comme de grands chiens noirs. Et il se surprend à courir quand les unes sautent plus haut que les autres !
Dans l’ivresse de la marche, il noue d’étincelantes conjonctures. – Il parle à des ombres qui lui parlent. – Les glaces reflètent ses faciles franchises. – Il fronce les sourcils, ramasse quelques gestes près du corps, se serre la main de l’autre et jette un regard maître : Comme d’autres hommes qu’il rencontre, aux figures jaunes de l’habitude.. Il sait trop que c’est tout ce que recouvrent ces grimaces qu’ils appellent vivre, et qu’il lui faut feindre ce qu’il dédaigne. S’il ne consent pas à mourir.. Et il bouche à coup de mensonges les crevasses qu’il rencontre et qu’il enjambe..
Il y a bien longtemps qu’il n’a pleuré, je pense.. jusqu’à ce qu’une main d’ombre le serre à la gorge et l’arrête au bord de sa vie béante…