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Selección de poemas de Cuaderno de Yorkshire

Juan José Rodinás

Traducción al francés de Lorena Benichou

Número revista:

5

Antibalada sobre un cuarto de 10 metros cuadrados


Mi casa no tiene palabras. ¿Las casas tienen palabras?

Hay una grabadora (con casete incluido)

bajo el parqué y la losa. Ésta graba los pasos de la gente.

 

Mi casa está gobernada por el instante.

El sol de septiembre (los páramos son una calle con ciclistas

indios)

y un cheque para pagar el alquiler de un cuarto de 10 metros.


Es lo único que entiendo y que la diferencia

entre soñar y vivir es un vortex donde el corazón late.

Un músculo que bombea la sangre desde un sueño perdido.


En la cámara oscura de un fotógrafo ciego,

mi casa es un cuento donde las muchachas se sientas a mirar

el movimiento de las polillas en una película sin árboles.


Hay una valla en un suburbio donde jamás estuve.

Mi casa es la noche que crece en los ojos de sus habitantes.

Sólo queda un hombre buscando el juguete que extravió hace

veinte años.


La gente desciende un piso cada vez que se acerca la muerte.

Mi casa no tiene olvido, ni mañana: es lo que resta de mí

luego de un sueño.

De un sueño que ha sido mi vida.


Alguien aquí —lejos de mí y en mí— está feliz. Envejece.




Anti-ballade sur une chambre de 10 mètres carrés


Ma maison n’a pas de mots. Les maisons ont-elles des mots ?

Il y a un magnétophone (cassette incluse)

sous le parquet et le carrelage. Il enregistre les pas des gens.


Ma maison est gouvernée par l’instant.

Le soleil de septembre (les hautes terres sont une rue avec des cyclistes indiens)

et un chèque pour payer le loyer d’une chambre de 10 mètres carrés.


C’est la seule chose que je comprends, ça et le fait que la différence

entre vivre et rêver est un vortex où bat le cœur.

Un muscle qui pompe le sang depuis un rêve perdu.


Dans la chambre noire d’un photographe aveugle,

ma maison est un conte où les femmes s’assoient pour contempler

le mouvement des mites dans un film sans arbres.


Il y a une palissade dans un faubourg où je n’ai jamais mis les pieds.

Ma maison est la nuit qui croît dans les yeux de ses habitants.

Il ne reste qu’un homme cherchant le jouet égaré il y a

vingt ans.


Les gens descendent d’un étage tandis que la mort s’approche.

Ma maison ne connaît ni l’oubli, ni le lendemain : c’est ce qui reste de moi

après un rêve.


Un rêve qui a été ma vie.


Quelqu'un ici – loin de moi et en moi – est heureux. Il vieillit.



*



La vida como esa experiencia chispeante y burbujeante que ves en los anuncios de gaseosas


La publicidad te enseña: tu vida será grandiosa

(y cubre con decorados y luces a la gente

que se da un tiro en la cabeza en las habitaciones sucias).


La realidad te enseña: mira el mendigo sollozar en el puente:

la imagen de belleza destruida.


Mira el puente otra vez: hay un río y un viejo vaporetto.

El agua escribe lo que no escribo.

Yo, en cambio, escribo esto para poder borrarme,

para debilitarme, para encontrarme paradojas absurdas

(Como el tipo que pide una sopa de fideos

y luego exige que la traigan un desayuno completo)

para poder escoger las fracciones más útiles de mí y tirarlas al basurero.


No creas lo que digo: es el agua la que habla verdades

Yo miento siempre.


La realidad ligeramente propulsada dice:

el hombre, un molino en el campo

junto a un zapato y un muñeco de nieve.


Ésta es la esperanza: ese conejo muerto

en las manos de la niña huérfana

que no sabe llorar.





La vie comme cette expérience brillante et pétillante que tu vois dans les publicités pour eaux gazeuses


Ce que la publicité te montre : ta vie sera grandiose

(et elle couvre d’artifices et de lumières les gens

qui se tirent une balle dans la tête dans des chambres crasseuses).


Ce que la réalité te montre : regarde le mendiant sangloter sur le pont :

image de beauté détruite.


Regarde à nouveau le pont : il y a un fleuve et un vieux vaporetto.

L’eau écrit ce que je n’écris pas.

Moi, en revanche, j’écris ceci pour pouvoir m’effacer,

pour m’affaiblir, pour trouver en moi d’absurdes paradoxes

(comme le type qui commande une soupe de vermicelles

et exige ensuite qu’on lui apporte un déjeuner complet)

afin de choisir les parts les plus utiles de mon être et les jeter à la poubelle.


Ne crois pas ce que je dis : c’est l’eau qui dit des vérités.

Moi, je mens toujours.


La réalité légèrement encouragée dit :

l’homme, un moulin dans la campagne

près d’une chaussure et d’un bonhomme de neige.


Voici l’espoir : ce lapin mort

dans les mains de la fillette orpheline

qui ne sait pas pleurer.



*



Lentísimo recuerdo de una huelga solitaria


Hay que entender la importancia del fracaso.

Llegas a cierta edad en que tu niño interno dice:

«extíngueme y, si quieres, hazlo también conmigo)».

Tú no desapareces y le explicas: «no lo haré,

pero tu cojera me ha impedido caminar rápido toda la vida».

Y este mundo tiene que ver con caminar rápido.

Acelerar. Acelerarse. Acelerar la mente, el cuerpo, la lengua, el dinero

Es un mundo donde lo lento muere rápido.

Y la luz, no mística, se extiende por todas partes:

laptops que permanecen encendidas como las viejas velas

que almacenaban los abuelos, pero enloquecidas de una fiebre sonámbula.

Por eso, entender que tus manos se mueven lento

es entender que tus manos se mueven lento

y que no alcanzan —no podrán— lo que tú anhelas.

En ese instante, recoges tu ropa y te extiendes sobre la cama.

Cerras los ojos entre dos almohadas y repites:

hay que hacer tiempo, hay que tomarse el tiempo.

Hay que perder el tiempo y perderse allí.

Fallar es herirse de lentitud, es quedarse,

tocar las hojas que te tocan, sentir sentir.





Très lent souvenir de la grève solitaire


Il faut comprendre l’importance de l’échec.

Tu arrives à un certain âge où ton enfant intérieur te dit :

« détruis-moi, et si tu veux, fais-le aussi, avec moi ) »

Tu ne disparais pas et tu lui expliques : « je ne le ferai pas,

mais, boiteux, tu m’as empêché de marcher vite toute ma vie. »

Et dans ce monde, il faut savoir marcher vite.

Dépêcher. Se dépêcher. Dépêcher l’esprit, le corps, la langue, l’argent.

Dans ce monde, ce qui est lent meurt vite.

Et la lumière, non mystique, s’étend de partout :

Des ordinateurs qui restent allumés comme les vieilles bougies

que nos grands-parents accumulaient, mais rendus fous par une fièvre somnambule.

C’est pourquoi, comprendre que tes mains bougent lentement,

c’est comprendre que tes mains bougent lentement

et qu’elles n’atteignent pas – ne pourront atteindre – ce que tu désires.

A cet instant, tu ramasses tes vêtements et tu t’allonges sur ton lit.

Tu fermes les yeux entre deux oreillers et tu répètes :

il faut tuer le temps, il faut prendre son temps.

Il faut perdre son temps et s’y perdre.

Échouer, c’est se blesser de lenteur, c’est rester,

toucher les feuilles qui te touchent, sentir sentir.

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